Bonjour,
Précision liminaire : le présent post présente simplement des faits et, conforme à l’esprit de chasseurs de mémoire, ne fait en aucun cas l’apologie d’une quelconque religion.
Chacun sait que c’est vraiment dans les années 1920 que la plupart des communes de France se dotent d’un monument aux morts, monument parfois unique en son genre, souvent commandé sur catalogue (question de coût) et de ce fait plus commun.
Ce que l’on sait moins, c’est que certaines paroisses eurent également et très rapidement l’idée de maintenir la mémoire des morts de la grande guerre au sein de leur église, parfois même dans les chapelles qui constituaient leurs trèves.
Ainsi est-il commun dans les églises et chapelles bretonnes (ailleurs aussi mais moins couramment) de pouvoir lire le nom des poilus morts au champ d’honneur gravés dans la pierre ou sur des plaques de marbre apposées sur les murs intérieurs des édifices religieux.
En novembre 2006, participant très modestement à la mise en place d’une exposition communale sur le thème de la grande guerre, quelle ne fut pas ma surprise lorsque quelques édiles locaux sortirent d’une remise un étonnant obituaire retirée de l’église paroissiale depuis des décennies et dont plus personne ou presque ne se souvenait. Sans doute faisant double emploi avec le monument aux morts fut-il remisé, fort heureusement ne fut-il pas détruit. Après un sérieux dépoussiérage et quelques restaurations faites gracieusement par un ancien ébéniste, lui-même élu local, cette oeuvre devait devenir la pièce maîtresse de l’exposition (encore qu’à mon constat, ne retint-elle pas suffisamment l’attention de certains visiteurs…).
Je me permets de vous la faire découvrir. Elle est vraiment le reflet d’une époque en cette « terre des prêtres » bretonnante que constituaient alors les cantons les plus ouest de la province, au sein desquels, dans les familles rurales, tant en Léon qu’en Cornouaille, recrutaient les petits séminaires.
Les inscriptions sont en breton comme il se doit. Je traduis celle inscrite en chef : « bugale Meilars maro evit ar vro », « enfants de Meilars morts pour la patrie », suit la liste des poilus morts pour la France (dont un de mes arrières grands-pères). Je m’abstiendrai de traduire la phrase du bas du tableau, à forte connotation religieuse.
Je disais que cette oeuvre était tout le reflet d’une époque.
Ne montre-t-elle pas la place qu’occupait la religion dans la France rurale de l’époque ?
Ne confond t elle pas « grande et petite patries » sur une même toile ? C’est-à-dire « France et Bretagne ».
Les inscriptions ne sont-elles pas en langue bretonne alors encore majoritairement parlée dans les villages de basse Bretagne ?
Quant aux patronymes ils sont tous locaux.
On notera que le poilu agonisant tient le drapeau français tandis que ses parents sont en costume breton, image forte qui renforce si besoin est la notion des deux patries.
On précisera que sont exactement représentées l’église paroissiale et la chapelle de sa trève.
Cette peinture qui appartient au patrimoine de Cornouaille a cependant été peinte par un dénommé Nicolas de saint-Pol de Léon, donc de l’autre « évêché » finistérien. Il est probable que quelques autres œuvres du même type aient été commises par le même artiste pour d’autres paroisses bretonnes.
Bref un très beau et rare témoignage historique et ethnographique dont toute la valeur autre que vénale a été redécouverte en novembre 2006.
Cordialement.
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